Des
ruines d’Agobio je prends ces notes en écoutant la brise.
Je m’étonne encore de la perfection des
champs de blé à l’horizon desquels se dressent des mas de pierre, une chapelle
à demi écroulée. Vers le petit étang, l’air
est plus frais, on y entend d’autres bruissements, des ruissellements dans la
sécheresse. Ici les chênes ont poussé. Il y aura bientôt un bois sur le
chemin des Terres Hautes. On restaure la maison où à l’époque des vendanges des
étrangers faisaient leur campement, un chien la renifle en passant. Je sais que
le garde-chasse ne se tient pas très loin. A-t-il été de ceux qui confisquaient
l’âne pour le bois tombé et ramassé en fraude ? Tôt le matin il cueille de
l’esparcette et des tiges de sainfoin. En mesurant ses gestes, il essuie
son couteau sur ses poches de velours et revient par le chemin qui mène à sa
demeure, un chien au poil mêlé de gris l’accueille devant la porte.
Je me répète qu’il me faut accepter le
tâtonnement du temps sur le corps du présent.
Muriel Daumal. Miramont d'Oxymore ou La folie Miramont (extrait)